3  Une consommation qui repose sur la baisse progressive du taux d’épargne

Perspectives 2025-2026 pour l’économie française

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
niveau de vie
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliations
Mathieu Plane
Pierre Madec
Publié le

9 avril 2025

Modifié le

15 avril 2025

3.1 Une faible inflation pour 2025

Après deux années de hausse marquée de l’indice des prix à la consommation (5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023), 2024 est caractérisée par un fort reflux de l’inflation (graphique 3.1). Passant de 6,2 %, au moment du pic de février 2023, elle est tombée à 0,8 % en février 2025, chiffre qui n’avait pas été atteint depuis quatre ans, avant la montée des tensions inflationnistes avec la reprise post Covid. La baisse de l’inflation est liée principalement à la décrue de l’inflation énergétique et alimentaire. Pour autant, cette rapide diminution de l’inflation n’efface pas la hausse de plus de 14 % des prix observée au cours des quatre dernières années (dont 36 % pour les prix de l’énergie et 21 % pour l’alimentaire). 

En 2024, l’inflation est revenue en moyenne à 2 %, les prix de l’alimentaire et de l’énergie ne contribuant que pour 0,4 point alors que ces deux composantes (représentant près d’un quart de la pondération de l’indice des prix à la consommation (IPC)) ont contribué pour 3,2 points en 2022 et 2,4 points en 2022. En 2025, la progression de l’IPC s’établirait à 1,3 % en moyenne annuelle. La décrue des prix de l’énergie, avec la diminution actée de 13 % des tarifs de l’électricité en février 2025, contribuerait à réduire l’inflation de -0,4 point en 2025 et les prix de l’alimentaire ne contribueraient plus qu’à hauteur de 0,1 point. En 2026, l’inflation resterait maîtrisée mais repartirait à la hausse (1,8 %), notamment sous l’effet de la hausse des salaires.

Graphique 3.1. Évolution et contribution des composantes de l’IPC

3.2 Un pouvoir d’achat qui stagnerait en 2025-2026

En 2024, le pouvoir d’achat a connu une augmentation significative (+1,9 % par UC), après deux années marquées par l’épisode inflationniste (tableau 3.1). En 2025, malgré une inflation faible, le pouvoir d’achat augmenterait peu (0,3 % par UC), et ce malgré la hausse des salaires réels qui se poursuit (+1,5 en 2025 après 0,9 % en 2024 pour le salaire moyen par tête réel). Les pertes d’emplois (voir tableau 2.1), le ralentissement des revenus du patrimoine et la hausse de la fiscalité, bien que ciblée sur les plus hauts revenus, annuleraient en grande partie les effets positifs du rattrapage des salaires réels. En 2026, le revenu réel par UC diminuerait de -0,4 % en raison des destructions d’emplois, d’une hausse plus modérée des salaires réels et d’une faible revalorisation attendue des prestations sociales dans un contexte de consolidation budgétaire.

Sur la période 2025-2026, le RDB réel par UC n’augmenterait pas, alors que le PIB par UC devrait croître de près de 1 %, marquant une inversion des transferts APU-Ménages avec le tournant de la consolidation budgétaire depuis 2025. Cependant, le RDB réel par UC serait en 2026 plus de 4 % au-dessus de son niveau pré-Covid de 2019 alors que le PIB par UC dépasserait à peine les 1 %.

Tableau 3.1. Compte des ménages
2023 2024 2025 2026
RDB nominala  8,0  4,5  1,5  1,9
Déflateur de la consommation  7,1  2,0  0,7  1,7
IPC  4,9  2,0  1,3  1,8
RDB réela,b  0,9  2,5  0,8  0,2
RDB réel par unité de consommationa,b  0,3  1,9  0,3 −0,4
Consommation des ménages (en volume)  0,9  0,9  1,0  1,1
Taux d'épargne (en % du RDB)a 16,9 18,2 18,2 17,4
Salaire moyen par tête (SMPT) nominal  4,2  2,8  2,2  2,8
SMPT réelb −2,9  0,9  1,5  1,1
Sources: Insee, prévision OFCE avril 2025.
a RDB : revenu disponible brut b Déflaté par les prix à la consommation

3.3 La lente baisse du taux d’épargne confrontée à l’incertitude

Depuis 2020, le taux d’épargne des ménages n’est jamais revenu à son ratio moyen d’avant-crise, qui se situait à 14,6 % du RDB en moyenne au cours de la décennie 2010. Les ménages n’ont pas réduit leur sur-épargne pour faire face au choc inflationniste, ce qui leur aurait permis de lisser les effets de l’inflation sur leur consommation. Bien au contraire, le taux d’épargne est reparti à la hausse depuis la mi-2022, augmentant de près de 3 points de RDB et atteignant 18,4 % fin 2024 (graphique 3.2). Au cours des quatre dernières années, les ménages ont accumulé près de 19 points de revenu annuel en « sur-épargne », soit environ 300 milliards d’euros courants, chiffre qui ne tient pas compte de la dépréciation réelle de leur patrimoine. Or, la valeur réelle des patrimoines a baissé depuis 2022 sous l’effet de la taxe inflationniste1.

1 Pour plus d’informations, voir Prévisions OFCE octobre 2024.

Selon nos prévisions, le taux d’épargne resterait en moyenne à un niveau élevé en 2025 (18,2 % en moyenne, soit le même niveau qu’en 2024) mais commencerait à baisser à partir du second semestre sous l’effet notamment du fort repli de l’inflation et de la baisse des taux d’intérêts. La disparition de la taxe inflationniste et une épargne moins rémunératrice nominalement pousseraient les ménages à réduire progressivement leur taux d’épargne. La baisse prévue du taux d’épargne est cependant plus modérée que ce qu’indique notre équation (graphique 3.2) en raison des effets liés à l’incertitude. En effet, on peut observer depuis la mi-2024 un écart qui s’amplifie entre le taux d’épargne observé et l’estimation du taux d’épargne basée sur les déterminants traditionnels de l’évolution du taux d’épargne. Cet écart qui s’est amplifié avec la censure du budget devrait continuer à rester élevé en 2025 avec l’arrivée de D.Trump à la Maison Blanche. Le taux d’épargne que nous inscrivons en prévision en 2025 est 1,3 point au-dessus de ce que nous indique notre équation, reflétant le haut niveau d’incertitude. En 2026, le taux d’épargne baisserait de façon plus franche et atteindrait 17,4 %, soutenant la consommation malgré un pouvoir d’achat qui n’augmente pas. Cependant, bien que prévu en baisse, le taux d’épargne s’établirait fin 2026, encore près de 3 points de revenu au-dessus de son niveau pré-Covid.

Graphique 3.2. Taux d’épargne prévu et taux d’épargne issu de l’équation

3.4 L’investissement des ménages (enfin) sur la voie du redressement

Si le redressement du marché de la construction neuve tarde encore à se matérialiser dans les données de permis de construire et de mises en chantier (graphique 3.3 a), la baisse des taux d’intérêt des nouveaux crédits à l’habitat (graphique 3.3 b) entamée début 2024 s’est accompagnée d’une amélioration des enquêtes de conjoncture menées auprès des professionnels du secteur (graphique 3.3 c) (voir Heyer E. et P. Madec (2024)).

Par la suite, l’augmentation du volume des crédits à l’habitat accordés aux ménages (graphique 3.3 d) a eu pour conséquence de soutenir de nouveau les transactions dans l’ancien (graphique 3.3 e). Cette (légère) reprise des transactions dans l’ancien devrait contribuer positivement au redressement de l’investissement des ménages au travers de ses composantes fiscales (les DMTO) et travaux.

Dans un second temps, nous anticipons que l’investissement des ménages devrait croître à nouveau sous l’effet de la reprise du secteur de la construction neuve, soutenu entre autre par l’ouverture à l’ensemble du territoire du dispositif de prêt à taux zéro (PTZ).

Graphique 3.3. Eléments conjoncturels du secteur du logement résidentiel